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R E A C T I O N   E N   C H A I N E

 

 

(UNE ENQUÊTE DE RILEY PAIGE—TOME 2)

 

 

 

B L A K E   P I E R C E

Blake Pierce

 

Blake Pierce est l’auteur de la populaire série de thrillers RILEY PAIGE, qui comprend les romans suivants : SANS LAISSER DE TRACES (tome 1), REACTION EN CHAINE (tome 2) et LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (tome 3).

 

Fan depuis toujours de polars et de thrillers, Blake adore recevoir de vos nouvelles. N'hésitez pas à visiter son site web www.blakepierceauthor.com pour en savoir plus et rester en contact !

 

 

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DU MÊME AUTEUR

 

 

LES ENQUÊTES DE RILEY PAIGE

 

SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)

REACTION EN CHAINE (Tome 2)

LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)

TABLE DES MATIÈRES

Prologue

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Chapitre 28

Chapitre 29

Chapitre 30

Chapitre 31

Chapitre 32

Chapitre 33

Chapitre 34

Chapitre 35

Chapitre 36

Chapitre 37

Chapitre 38

Chapitre 39

Chapitre 40

 

Prologue

 

Cap’taine Jimmy Cole terminait de raconter à ses passagers une vieille histoire de fantômes du fleuve Hudson. Une des meilleures, avec un assassin armé d’une hache et enveloppé dans un manteau sombre. L’histoire parfaite pour les nuits brumeuses comme celle-ci. Il se renversa dans son siège pour reposer ses genoux, qui couinaient après les opérations chirurgicales diverses et trop nombreuses. Pour la millième fois, il songea à sa retraite. Il avait visité tous les replis du fleuve. Un de ces quatre, même ce petit bateau de pêche, le Suzy, finirait par avoir sa peau.

Sa tournée terminée, il fit virer le bateau en direction du rivage. Alors que l’embarcation se rapprochait tranquillement du ponton de Reedsport, l’un des passagers poussa un cri, tirant le capitaine de sa rêverie.

— Eh, Cap’taine, c’est pas votre fantôme, là-bas ?

Jimmy ne prit pas la peine de jeter un coup d’œil. Ces quatre passagers – deux jeunes couples de vacanciers – étaient tous ronds comme des billes. Un des deux gars essayait sans doute d’effrayer les filles.

Ce fut alors qu’une de leurs compagnes renchérit :

— Ah oui, je le vois aussi. C’est bizarre, non ?

Jimmy se tourna à demi vers ses passagers. Putain de fêtards. C’était la dernière fois qu’il acceptait de naviguer la nuit.

Le deuxième homme pointa à son tour son doigt vers le rivage.

— Par là-bas, dit-il.

Sa femme couvrit ses yeux.

— Oh, je ne peux pas regarder ! s’exclama-t-elle en éclatant d’un rire nerveux et embarrassé.

Exaspéré, Jimmy comprit qu’ils ne le laisseraient pas tranquille et se tourna vers la direction indiquée.

Entre les arbres, quelque chose accrocha son regard. Une silhouette vaguement humaine reluisait. Quoi que ce fût, cela flottait au-dessus du sol, mais c’était trop loin pour y voir clair.

Avant que Jimmy n’ait eu le temps de saisir ses jumelles, la silhouette disparut derrière les arbres.

La vérité, c’était que Jimmy, lui aussi, avait lampé quelques bières. Ce n’était pas un problème – du moins, pas pour lui. Il connaissait bien le fleuve. Et il aimait son travail. Il appréciait particulièrement le fleuve la nuit, quand les eaux coulaient d’un air si paisible qu’elles paraissaient presque immobiles. Peu de choses auraient pu briser le calme qu’il ressentait.

Il ralentit et les défenses du Suzy heurtèrent le ponton. Fier de son amarrage en douceur, il coupa le moteur.

Les passagers titubèrent hors du bateau en gloussant, avant de remonter le ponton en direction du B&B qu’ils avaient réservé. Heureusement, ils avaient déjà payé la traversée.

Cependant, Jimmy ne put s’empêcher de repenser à l’étrange silhouette. C’était assez loin d’ici et il était impossible d’apercevoir quoi que ce fût du ponton. Qu’est-ce qu’il avait bien pu voir ? Quoi ou qui ?

Agacé, il comprit qu’il ne fermerait pas l’œil avant d’en avoir eu le cœur net. Il était comme ça.

Jimmy poussa un soupir sonore et partit à pied, en suivant la voie de chemin de fer qui longeait le rivage. Cette ligne avait été utilisée une centaine d’années plus tôt, à l’époque où Reedsport était envahie par les bordels et les maisons de jeu. A présent, cette voie de chemin de fer n’était plus que la relique d’un passé révolu.

Au détour d’un virage, Jimmy aperçut un vieil entrepôt construit près de la ligne. Quelques lampes de sécurité jetaient une faible lumière. Ce fut alors qu’il la vit : une forme humaine luisante semblait flotter dans les airs. Elle était suspendue à un poteau électrique.

En s’approchant pour l’examiner de plus près, Jimmy fut parcouru d’un frisson. C’était bien un corps humain, mais toute trace de vie l’avait déserté. Le corps lui faisait face, emmailloté dans une sorte de tissu, enveloppé de chaînes qui se croisaient et s’entrecroisaient – bien plus que nécessaire pour retenir un prisonnier. Les chaînes brillaient sous la lumière des spots

Oh merde, pas ça, pas encore…

Jimmy ne put s’empêcher de penser au meurtre sordide qui avait secoué la région, quelques années auparavant.

Ses genoux flageolants, il contourna le corps et s’approcha pour examiner son visage. Il faillit tomber à la renverse. Il la connaissait. C’était une femme du coin, une infirmière, une amie de Jimmy depuis des années. Sa gorge avait été tranchée. Sa bouche morte était maintenue ouverte, bâillonnée par une grosse chaîne qui faisait le tour de sa tête.

Jimmy s’étrangla d’horreur et de chagrin.

L’assassin était de retour.

 

Chapitre 1

 

L’agent spécial Riley Paige restait pétrifiée, les yeux écarquillés. La poignée de gravier sur son lit n’avait rien à faire là. Quelqu’un s’était introduit chez elle et les avait déposés là – quelqu’un qui lui voulait du mal.

Elle sut immédiatement que les gravillons étaient un message et que le message venait d’un vieil ennemi. Elle ne l’avait pas tué et c’était ce que signifiait ce message.

Peterson est vivant.

Tout le corps de Riley trembla en y pensant.

Elle s’en doutait depuis longtemps et, à présent, elle en était certaine. Pire encore : il s’était introduit chez elle. Cette pensée lui donnait envie de vomir. Et s’il était encore dans la maison ?

Le souffle coupé par la peur, Riley comprit que ses ressources physiques seraient limitées en cas d’attaque. Elle venait de survivre à une rencontre mortelle avec un tueur sadique. Des bandages couvraient sa tête et des bleus son corps. Pourrait-elle l’affronter s’il se trouvait encore dans la maison ?

Riley tira immédiatement son arme. Les mains tremblantes, elle se dirigea vers son placard et l’ouvrit à la volée. Personne ne s’y cachait. Elle jeta un coup d’œil sous le lit. Personne, là non plus.

Riley se força à éclaircir ses idées. Etait-elle entrée dans la chambre depuis qu’elle était revenue à la maison ? Oui, bien sûr, puisqu’elle avait posé l’étui de son arme sur la commode, près de la porte. Mais elle n’avait pas allumé la lumière, elle n’avait pas jeté le moindre regard dans sa chambre. Elle s’était contentée de faire un pas dans l’entrebâillement de la porte et de déposer l’étui sur la commode, avant de repartir dans le couloir. Elle avait enfilé une robe de nuit dans la salle de bain.

Pendant tout ce temps, son ennemi était-il resté tapi dans la maison ? Après leur retour, Riley et April avait discuté en regardant la télévision jusqu’à tard dans la nuit. Ensuite, April était partie se coucher. Dans une petite maison comme la leur, il fallait une grande discrétion et beaucoup de patience pour rester caché. Mais Riley était obligée d’envisager la possibilité.

Elle fut soudain prise d’un doute terrible.

April !

Riley s’empara d’une lampe torche posée sur la table de nuit. Son arme dans l’autre main, elle quitta la chambre et alluma le couloir. Comme rien ne bougeait, elle se précipita vers la chambre de April et ouvrit la porte à la volée. La pièce était plongée dans l’obscurité. Riley alluma la lumière.

Sa fille était déjà couchée.

— Qu’est-ce qu’il y a, Maman ? demanda April en plissant les yeux.

Riley fit quelques pas dans la pièce.

— Reste au lit, dit-elle. Reste où tu es.

— Maman, tu me fais peur, dit April d’une voix tremblante.

Tant mieux : Riley avait peur, elle aussi, et April avait toutes les raisons de s’inquiéter. Elle se dirigea vers le placard de April qu’elle éclaira avec sa lampe torche. Entre les lames, elle vit que personne ne s’y cachait. Personne non plus sous le lit de April.

Que faire, à présent ? Il fallait qu’elle fouille tous les recoins de sa maison.

Riley savait très bien ce que son ancien partenaire Bill Jeffreys lui aurait dit :

Putain, Riley, appelle ! Demande de l’aide !

Sa fâcheuse tendance à tout régler seule l’avait toujours rendu furieux. Mais, cette fois, elle allait suivre son conseil. April était avec elle et Riley ne voulait prendre aucun risque.

— Enfile une robe de chambre et des chaussures, dit-elle à sa fille, mais ne quitte pas ta chambre – pas encore.

Riley retourna dans sa chambre et décrocha le téléphone sur sa table de nuit. Elle composa le numéro de l’Unité d’Analyse Comportementale. Dès qu’une voix lui répondit, elle siffla :

— Ici l’agent spécial Riley Paige. Un intrus s’est introduit chez moi. Il est peut-être encore ici. J’ai besoin d’aide. Vite !

Elle réfléchit une seconde, avant d’ajouter :

— Envoyez une équipe de la police scientifique.

— Tout de suite, répondit la voix.

Riley mit fin à l’appel. A l’exception de deux chambres et du couloir, la maison était encore plongée dans l’obscurité. Il pouvait être n’importe où, tapi dans l’ombre, à attendre le meilleur moment pour attaquer. Cet homme l’avait prise par surprise une fois, déjà, et elle avait failli en mourir.

Riley alluma toutes les lumières sur son passage, le poing toujours refermé sur son arme. Elle couvrit toute la maison, éclairant les placards et les recoins sombres.

Enfin, elle leva les yeux vers la trappe qui menait au grenier au moyen d’une petite échelle rétractable. Allait-elle oser monter pour jeter un coup d’œil ?

Ce fut alors que les sirènes de police retentirent. Riley poussa un énorme soupir de soulagement. Le Bureau avait dû contacter la police locale, car l’UAC se trouvait à plus d’une demi-heure de route.

Elle retourna dans sa chambre pour enfiler des chaussures et une robe de chambre, avant de passer voir April.

— Viens avec moi, dit-elle. Ne t’éloigne pas.

L’arme toujours dans la main droite, Riley referma son bras gauche sur les épaules de sa fille. La pauvre gamine tremblait d’effroi. Riley la conduisit jusqu’à la porte d’entrée et l’ouvrit, au moment même où des policiers en uniformes envahissaient le trottoir.

Le chef d’équipe s’élança vers elle, arme au poing.

— Quel est le problème ? demanda-t-il.

— Quelqu’un est venu chez moi, dit Riley. Il est peut-être encore ici.

L’homme jeta un coup d’œil incertain vers son arme.

— Je suis du FBI, dit Riley. Des agents seront bientôt là. J’ai déjà fouillé la maison, sauf le grenier. Il y a une porte dans le hall.

Le policier se retourna :

— Bowers, Wright, rentrez et fouillez le grenier. Les autres, passez le jardin au peigne fin.

Bowers et Wright s’engouffrèrent dans le vestibule et firent descendre l’échelle. Tous deux tirèrent leurs armes. L’un attendit en bas, pendant que l’autre escaladait les échelons. Il promena le faisceau de sa lampe torche dans le grenier, avant de disparaître tout à fait.

Bientôt, il s’écria :

— Il n’y a personne !

Riley aurait voulu en être soulagée. La vérité, c’était qu’elle avait espéré que les policiers le trouveraient là-haut et l’arrêteraient ou, mieux encore, le tueraient. Elle était certaine, en revanche, qu’ils ne le trouveraient pas dans son jardin.

— Vous avez une cave ? demanda le chef d’équipe.

— Non, juste un vide sanitaire, dit Riley.

Le policier se tourna vers ses hommes :

— Brenson, Pratt, allez vérifier sous la maison.

April s’accrochait à sa mère comme à une bouée de sauvetage.

— Qu’est-ce qui se passe, Maman ? demanda-t-elle.

Riley hésita. Pendant des années, elle avait évité de raconter à April les histoires sordides de son travail. Elle avait récemment compris qu’elle s’était montrée trop protectrice. Elle avait raconté à April l’expérience traumatisante qu’elle avait vécue aux mains de Peterson – du moins, elle lui en avait dit suffisamment. Elle avait également avoué à sa fille qu’elle n’était pas certaine que l’homme fût vraiment mort.

Mais que pouvait-elle dire à April, à présent ? Elle n’en était pas sûre.

Avant qu’elle n’ait eu le temps de se décider, April reprit la parole :

— C’est Peterson, n’est-ce pas ?

Riley la serra contre elle. Elle hocha la tête, en tâchant de réprimer les tremblements de son corps.

— Il est encore en vie.

 

Chapitre 2

 

Une heure plus tard, la maison de Riley grouillait d’hommes et de femmes dont les uniformes portaient l’insigne du FBI. Des agents fédéraux lourdement armés et une équipe scientifique collaboraient avec la police locale.

— Ramassez ces gravillons, dit Craig Huang. Nous en aurons besoin pour repérer les traces d’ADN ou les empreintes.

Riley n’avait pas été ravie d’apprendre que Huang était en charge de l’équipe. Il était encore très jeune et leur précédente collaboration ne s’était pas bien passée. Cependant, elle était obligée de constater qu’il donnait des ordres clairs et organisait la situation de façon efficace.

L’équipe de la police scientifique passait la maison au peigne fin, à la recherche d’empreintes étrangères. D’autres agents avaient disparu derrière la demeure dans l’espoir de retrouver des traces de pneus ou celles d’une piste forestière qu’aurait pu emprunter l’intrus. Comme tout se déroulait dans le calme, Huang conduisit Riley dans la cuisine pour lui parler seul à seul. Ils s’assirent à table. April les rejoignit, encore très secouée.

— Alors, qu’en pensez-vous ? demanda Huang. Croyez-vous que nous allons le retrouver ?

Riley poussa un soupir de découragement.

— Non, je crois qu’il est parti depuis longtemps. Il a dû venir plus tôt dans la soirée, avant que ma fille et moi ne rentrions.

Une agente sanglée dans un gilet pare-balles fit irruption par la porte de derrière. Elle avait les cheveux sombres, les yeux sombres et la peau sombre. Elle semblait, en outre, encore plus jeune que Huang.

— Agent Huang, j’ai trouvé quelque chose, dit la femme. Des égratignures sur la serrure de la porte de derrière. On dirait qu’elle a été forcée.

— Bien joué, Vargas, dit Huang. Maintenant, nous savons comment il est entré. Pouvez-vous rester avec Riley et sa fille quelques instants ?

Le visage de la jeune femme s’éclaira.

— Avec plaisir, dit-elle.

Elle s’assit à son tour, alors que Huang rejoignait ses agents dans le jardin.

— Agent Paige, je suis l’agent Maria de la Luz Vargas Ramirez, dit-elle en esquissant un sourire denté. Je sais, c’est long. Un nom à la mexicaine. On m’appelle Lucy Vargas, pour simplifier.

— Je suis contente de vous savoir ici, Agent Vargas, dit Riley.

— Appelez-moi Lucy, je vous en prie.

La jeune femme se tut un instant, sans quitter Riley des yeux. Enfin, elle reprit la parole :

— Agent Paige, j’espère que je ne dépasse pas les bornes, mais… C’est vraiment un honneur de vous rencontrer. Je suis votre travail depuis que j’ai commencé ma formation. Votre carrière est impressionnante.

— Merci, répondit Riley.

Lucy sourit avec admiration.

— Je veux dire, la façon dont vous avez bouclé le dossier Peterson… C’est une histoire fascinante.

Riley secoua la tête.

— Si seulement c’était aussi simple, dit-elle. Il n’est pas mort. C’est lui qui s’est introduit chez moi, aujourd’hui.

Lucy lui renvoya un regard stupéfait.

— Mais tout le monde dit que…, commença-t-elle.

Riley l’interrompit.

— Quelqu’un d’autre pensait qu’il était en vie. Marie, la femme que j’ai secourue. Elle était certaine qu’il traînait dans le coin et la harcelait. Elle…

Riley se tut, envahie soudain par le souvenir douloureux du corps de Marie pendu au plafonnier.

— Elle s’est suicidée, dit Riley.

Lucy écarquilla les yeux, d’un air à la fois surpris et horrifié.

— Je suis désolée, dit-elle.

Une voix familière retentit alors.

— Riley ? Tu vas bien ?

Elle se retourna vers Bill Jeffreys, qui se tenait dans l’encadrement de la porte, visiblement anxieux. Le FBI avait dû le prévenir et il avait fait le trajet en voiture.

— Je vais bien, Bill, dit-elle. April va bien aussi. Assied-toi.

Bill prit place à côté de Riley, de April et de Lucy qui le regardait avec sidération, étonnée de rencontrer une deuxième légende du FBI – ancien partenaire de Riley – dans la même journée.

Huang surgit à nouveau.

— Personne dans la maison ou dehors, dit-il à Riley. Mes hommes ont rassemblé tout ce qu’ils ont pu trouver, mais ce n’est pas grand-chose. Nous verrons ce que les techniciens du labo seront capables d’en faire…

— C’est ce que je craignais, dit Riley.

— On dirait qu’il est temps pour nous de repartir, dit Huang.

Il quitta la cuisine pour donner l’ordre à ses agents.

Riley se tourna vers sa fille.

— April, tu vas rester chez ton père, ce soir.

April écarquilla les yeux.

— Je te laisse pas ici toute seule, dit-elle. Et j’ai pas envie de rester chez Papa.

— Mais tu dois y aller, dit Riley. Tu n’es pas en sécurité ici.

— Mais Maman…

Riley l’interrompit :

— April, je ne t’ai pas tout dit sur cet homme. Il y a des détails sordides que tu ne connais pas. Tu seras plus en sécurité chez ton père. Je passerai te prendre demain, après les cours.

Avant que April n’ait eu le temps de protester, Lucy prit la parole :

— Ta mère a raison, April. Crois-moi. En fait, c’est un ordre. Je vais demander à un ou deux agents de te conduire là-bas. Agent Paige, avec votre permission, je vais appeler votre ex-mari pour lui expliquer la situation.

La proposition de Lucy prenait Riley par surprise, mais c’était une agréable surprise. Lucy avait compris d’une façon instinctive et presque mystérieuse que Riley n’avait pas envie de passer ce coup de fil. Ryan prendrait la nouvelle plus au sérieux si elle venait d’un autre agent – n’importe qui sauf Riley. En outre, Lucy avait convaincu April.

L’agente avait non seulement repéré les égratignures sur la serrure, elle avait également fait preuve d’empathie. Or, l’empathie était une grande qualité chez un agent de l’UAC – une qualité malheureusement trop souvent usée par le stress du métier.

Cette femme est douée, pensa Riley.

— Allez, dit Lucy à April. On va appeler ton père.

April foudroya Riley du regard, mais se leva de table et suivit Lucy dans le salon. Riley les entendit passer l’appel.

Elle demeura seule avec Bill. Même s’il ne restait plus rien à faire, il était agréable d’avoir Bill à ses côtés. Ils avaient travaillé ensemble pendant des années. Elle avait toujours pensé qu’ils se complétaient – tous deux avaient la quarantaine et quelques cheveux blancs. Ils étaient tous deux dévoués à leur travail et cela avait affecté leurs deux mariages. En outre, Bill était solide par la stature et le tempérament.

— C’était Peterson, dit Riley. Il est venu.

Bill ne répondit pas, visiblement peu convaincu.

— Tu ne me crois pas ? dit Riley. Il y avait des gravillons sur mon lit. Il est venu les poser là. Il n’y a pas d’autre explication.

Bille secoua la tête.

— Riley, je suis sûr que quelqu’un s’est introduit chez toi, dit-il. Tu n’as pas rêvé. Mais Peterson ? J’en doute fortement.

Une bouffée de colère submergea Riley.

— Bill, écoute-moi. J’ai entendu quelque chose frapper ma porte d’entrée une nuit et, quand j’ai ouvert, il y avait du gravier sur mon perron. Marie a aussi entendu quelqu’un jeter du gravier sur la fenêtre de sa chambre. Qui d’autre ça pourrait être ?

Bill soupira et secoua la tête.

— Riley, tu es fatiguée, dit-il. Et quand on est fatigué, on croit à n’importe quoi. Cela arrive à tout le monde.

Riley ravala des sanglots amers. Auparavant, Bill aurait fait confiance à l’instinct de Riley sans aucune arrière-pensée, mais ces jours étaient révolus. Elle savait pourquoi. Quelques nuits plus tôt, elle lui avait téléphoné complètement soûle pour lui proposer une relation plus intime. Un terrible souvenir. Elle n’avait pas bu une seule goutte depuis, mais rien n’était plus comme avant entre elle et Bill.

— Je sais ce qui se passe, Bill, dit-elle. C’est à cause de ce coup de fil stupide. Tu ne me fais plus confiance.

La voix de Bill trahit sa colère :

— Putain Riley, j’essaye juste d’être réaliste !

— Va-t-en, Bill, siffla Riley.

— Mais…

— Tu me crois ou tu ne me crois pas. A toi de voir. Mais je veux que tu partes.

Avec un air résigné, Bill se leva et s’en alla.

A travers l’embrasure de la porte, Riley vit que tous les autres avaient également quitté la maison, y compris April. Seule Lucy demeurait. Elle rejoignit Riley dans la cuisine.

— l’agent Huang laisse quelques agents ici, dit-elle. Ils vont surveiller la maison toute la nuit, depuis une voiture garée dans la rue. Je ne sais pas si c’est une bonne idée de vous laisser toute seule à l’intérieur. Je serais ravie de rester.

Riley y réfléchit. Ce qu’elle voulait – ce dont elle avait besoin –, c’était surtout d’être crue. Peterson n’était pas mort. Parviendrait-elle à convaincre Lucy ? Riley en doutait. Ç’aurait été un effort désespéré et vain.

— Ça ira, Lucy, dit Riley.

Lucy hocha la tête et quitta la cuisine. Riley entendit les derniers agents partir en refermant la porte derrière eux. Riley se leva et fit le tour des portes donnant vers l’extérieur, pour s’assurer qu’elles étaient toutes fermées. Elle plaça deux chaises devant la porte de derrière. Si quelqu’un tentait de forcer la serrure, les chaises feraient du bruit.

Elle balaya alors le salon du regard. La maison était étrangement lumineuse, car toutes les lumières étaient allumées.

Il faut que j’éteigne tout, pensa-t-elle.

Alors qu’elle tendait le doigt vers l’interrupteur du salon, son bras s’arrêta. Elle ne pouvait pas éteindre. Elle était pétrifiée par la terreur.

Peterson, elle le savait, reviendrait.

 

Chapitre 3

 

Riley hésita quelques instants avant d’entrer dans le bâtiment de l’Unité d’Analyse Comportementale. Etait-elle prête à affronter le regard des autres ? Elle n’avait pas dormi de la nuit. Elle était épuisée. La terreur et l’adrénaline l’avaient empêchée de fermer l’œil. Elle se sentait vidée de toute énergie.

Riley prit une grande inspiration.

Le seul moyen de sortir, c’est de passer au travers.

Elle rassembla sa détermination et pénétra dans la masse vivante des agents du FBI, des spécialistes et des employés. Alors qu’elle traversait l’open space, des visages familiers la dévisagèrent par-dessus les écrans d’ordinateur. La plupart lui adressèrent un sourire ou levèrent le pouce d’un air appréciateur. Riley se félicita d’être venue. Elle avait besoin de se changer les idées.

— Bien joué pour le tueur de poupées, lança un jeune agent.

Riley mit quelques secondes avant de comprendre. Elle réalisa que ce devait être le nouveau surnom de Dirk Monroe, le psychopathe qu’elle avait arrêté quelques jours plus tôt. Ce surnom lui allait bien.

Elle remarqua que certains visages la dévisageaient avec plus de circonspection. Ils avaient dû entendre parler de l’incident de la veille, quand une équipe entière du FBI s’était précipitée chez elle après son appel hystérique. Ils se demandent si j’ai encore toute ma tête, pensa-t-elle. Pour ce qu’elle en savait, personne d’autre au Bureau ne croyait une seconde que Peterson était encore vivant.

Riley s’arrêta devant le bureau de Sam Flores, un technicien du labo aux lunettes cerclées de noir, penché sur son ordinateur.

— Vous avez du nouveau, Sam ? demanda Riley.

Sam leva les yeux de son écran.

— Vous parlez de votre intrus d’hier, n’est-ce pas ? Je suis en train de consulter les rapports préliminaires. Il n’y a pas grand-chose, malheureusement. Les gars du labo n’ont rien trouvé sur le gravier – pas de fibres, pas d’ADN. Pas d’empreintes digitales non plus.

Riley poussa un soupir de découragement.

— Tenez-moi au courant, si ça change, dit-elle en tapotant l’épaule de Flores.

— Je n’y compterais pas, à votre place, dit Flores.

Riley poursuivit dans la zone du bâtiment réservée aux agents vétérans. En longeant les bureaux délimités par de grandes vitres, elle constata que Bill n’était pas là. C’était un soulagement, mais elle savait qu’un jour ou l’autre, elle serait obligée de dissiper le malaise qui traînait entre eux.

En pénétrant dans son propre bureau, toujours bien organisé et en ordre, Riley remarqua immédiatement qu’un message téléphonique l’attendait. Mike Nevins, le psychiatre de l’unité de Washington D.C., qu’elle contactait parfois au cours d’une enquête, l’avait appelée. Au fil des années, elle avait pu constater qu’il était une source intarissable de perspicacité et de réflexion – et pas seulement pour résoudre une affaire. Mike avait aidé Riley à dompter son stress post-traumatique, après son séjour sinistre aux mains de Peterson. Il avait dû l’appeler pour prendre de ses nouvelles, comme il le faisait souvent.

Elle était sur le point de le rappeler quand la large carrure de l’agent spécial Brent Meredith apparut dans l’encadrement de la porte. Les traits anguleux et sombres du chef de l’unité laissaient deviner sa personnalité déterminée et pragmatique. Riley se sentit immédiatement soulagée et rassurée par sa présence.

— Bon retour chez nous, Agent Paige, dit-il.

Riley lui serra la main.

— Merci, Agent Meredith.

— J’ai entendu dire que vous aviez vécu une autre de vos aventures hier soir. J’espère que vous allez bien.

— Je vais bien, merci.

Meredith la couva d’un regard inquiet et Riley comprit qu’il tentait d’évaluer sa capacité à reprendre le travail.

— Voudriez-vous m’accompagner dans la salle de repos pour prendre un café ? demanda-t-il.

— Merci, mais je dois consulter quelques dossiers. A un autre moment.

Meredith hocha la tête sans mot dire. Riley savait qu’il attendait qu’elle parle de son aventure. Il avait sans doute entendu dire que Riley était convaincue d’avoir eu affaire à Peterson. Il lui laissait une chance d’exprimer son opinion. Cependant, Meredith n’était pas plus susceptible qu’un autre de croire à l’hypothèse de Riley.

— Eh bien, je vous laisse, dit-il. Faites-moi savoir si vous souhaitez prendre un café ou déjeuner.

— Promis.

Meredith s’interrompit et se tourna une dernière fois vers Riley.

Lentement et posément, il lui dit :

— Soyez prudente, Agent Paige.

Il y avait un monde d’inquiétude et de sens derrière ces mots. Peu de temps auparavant, un autre gros bonnet de l’agence l’avait suspendue pour insubordination. Elle avait été réintégrée, mais sa position demeurait instable. Riley sentit que Meredith lui donnait un avertissement amical. Il ne voulait pas la voir saboter sa propre carrière. Et créer un tapage autour de Peterson pouvait la mettre dans une situation délicate, notamment vis-à-vis des agents qui avaient bouclé l’enquête.

Dès qu’elle fut seule, Riley tira de son cabinet le dossier épais de l’affaire Peterson. Elle l’ouvrit sur son bureau et le feuilleta rapidement, pour se rafraîchir la mémoire. Ce qui se trouvait là-dedans n’était guère utile.

L’homme demeurait une énigme. Il n’existait aucune trace de son existence avant que Bill et Riley ne se lancent sur sa piste. Peterson n’était peut-être même pas son vrai nom, et de nombreux prénoms divers lui avaient été attachés.

Alors que Riley feuilletait le dossier, elle tomba sur des photographies de ses victimes – des femmes retrouvées au fond de tombes étroites et creuses. Toutes portaient des marques de brûlures et avaient été étranglées. Riley frissonna en repensant aux larges et puissantes mains qui l’avaient enfermée dans une cage comme un animal.

Personne ne savait combien de femmes il avait tuées. Certains corps n’avaient peut-être pas été découverts. Avant que Marie et Riley ne s’échappent et ne racontent l’horreur de leur expérience, personne n’avait jamais su combien il aimait torturer les femmes dans l’obscurité avec un chalumeau au propane. Et, aujourd’hui, personne ne voulait croire que cet homme était encore en vie.

Cette histoire pesait de tout son poids sur le moral de Riley. Elle était connue pour sa capacité à pénétrer les esprits malades – une capacité qui l’effrayait parfois. Mais elle n’avait jamais su pénétrer l’esprit de Peterson. Aujourd’hui, elle avait le sentiment de le comprendre de moins en moins.

Il n’avait jamais eu le profil d’un psychopathe organisé. Le fait qu’il eût laissé des victimes dans des tombes ouvertes suggérait même le contraire. Ce n’était pas un perfectionniste. Cependant, il était assez méticuleux pour ne pas laisser traîner des indices. L’homme était un véritable paradoxe.

Riley se rappela des mots que Marie avait employés, peu avant son suicide.

« Peut-être que c’est un fantôme, Riley. Peut-être que c’est ce qui s’est passé quand tu l’as fait exploser. Tu as tué son corps, mais tu n’as pas tué sa méchanceté. »

Ce n’était pas un fantôme, et Riley le savait. Elle était certaine – plus certaine que jamais – qu’il se trouvait quelque part, encore bien vivant, et qu’il avait fait de Riley sa prochaine victime. Bien sûr, il aurait pu tout aussi bien être un fantôme : après tout, personne ne croyait en son existence.

— Où es-tu, espèce de connard ? murmura-t-elle entre ses dents.

Elle n’en savait rien et elle n’avait aucun moyen de le savoir. Elle était pieds et poings liés. Elle n’avait pas d’autre choix que mettre cette affaire de côté pour le moment. Elle referma le dossier et le reposa à sa place dans le cabinet.

Son téléphone sonna. Elle vit que l’appel était destiné à tous les agents spéciaux : l’accueil utilisait cette ligne quand une personne demandait à parler à n’importe quel agent. Selon une règle tacite, celui qui décrochait le téléphone en premier prenait l’affaire.

— Agent spécial Riley Paige. Que puis-je faire pour vous ?

La voix qui lui répondit parut préoccupée.

— Agent Paige, ici Raymond Alford, chef de police à Reedsport, dans l’état de New York. Nous avons un sérieux problème. Vous accepteriez de prendre l’appel en vidéo conférence ? Ce serait plus facile pour vous expliquer. Et j’aimerais vous montrer quelques images.

La curiosité de Riley était piquée.

— Certainement, dit-elle.

Elle communiqua à Alford ses coordonnées. Quelques minutes plus tard, elle lui parlait par Webcams interposées. L’homme était élancé et perdait ses cheveux – il semblait relativement âgé. L’expression sur son visage trahissait son anxiété et sa fatigue.

— Nous avons eu un meurtre ici, la nuit dernière, dit Alford. Un meurtre assez moche. Je vous montre…

Une photographie apparut sur l’écran de Riley. Elle représentait le corps d’une femme pendu par des chaînes au-dessus d’une voie de chemin de fer. Le corps était bizarrement vêtu.

— Que porte la victime ? demanda Riley.

— Une camisole de force, dit Alford.

Riley sursauta. En y regardant de plus près, elle vit qu’il avait raison. La photographie disparut, remplacée par le visage de Alford.

— Monsieur Alford, je vous remercie de nous avoir contactés, mais qu’est-ce qui vous fait croire que c’est une affaire pour l’Unité d’Analyse Comportementale du FBI ?

— Parce que la même chose nous est arrivée il y a cinq ans, dit Alford.

Un deuxième corps apparut sur l’écran. La jeune femme était également sanglée dans une camisole de force et enveloppée de chaînes.

— A l’époque, il s’agissait d’une femme qui travaillait à temps partiel dans la prison, Marla Blainey. C’était la même façon de procéder – sauf que Blainey avait été jetée dans la rivière, pas pendue.

Le visage de Alford réapparut.

— Cette fois, c’est Rosemary Pickens, une infirmière du coin, dit-il. Personne ne pourrait imaginer le motif, pour l’une ou l’autre. Elles étaient toutes les deux très aimées.

Alford s’avachit et secoua la tête.

— Agent Paige, moi et mes hommes, nous pataugeons. C’est peut-être un tueur en série, ou bien un imitateur. Le problème, c’est que ça n’a pas de sens. Nous n’avons pas ce genre de problèmes à Reedsport. Ce n’est qu’une petite bourgade pour les touristes le long du fleuve Hudson. Il n’y a que sept mille habitants.  Parfois, nous avons une bagarre ou nous repêchons un touriste tombé dans la rivière. Mais guère plus…

Riley réfléchit un instant. Cela ressemblait à une affaire pour le Bureau. Il faudrait qu’elle transmette l’appel de Alford à Meredith.

En levant les yeux, elle vit que Meredith n’était pas encore revenu de sa pause café. Elle lui parlerait de l’affaire plus tard dans la journée. En attendant, elle pouvait creuser le dossier.

— Les causes de la mort ? demanda-t-elle.

— La gorge tranchée, toutes les deux.

Riley dissimula sa surprise. Les étranglements et les coups étaient beaucoup plus courants.

Ce tueur opérait de façon inhabituelle. Cependant, il correspondait au profil que Riley connaissait le mieux et dont elle s’était faite la spécialiste. Elle serait déçue de ne pas pouvoir apporter son expérience au dossier : étant donné son traumatisme récent, on ne lui confierait pas l’affaire.

— Avez-vous descendu le corps ? demanda Riley.

— Pas encore, dit Alford. Elle est encore suspendue là-haut.

— Laissez-le là où il est pour le moment. Attendez l’arrivée de nos agents.

La perspective ne réjouissait pas Alford.

— Agent Paige, ça risque d’être difficile. Il est juste au-dessus de la voie ferrée et on peut le voir depuis le fleuve. La ville n’a pas besoin de ce genre de publicité. On me pousse à le descendre.

— Laissez-le, dit Riley. Je sais que ce n’est pas facile, mais c’est important. Ce ne sera pas long. Des agents viendront dans l’après-midi.

Alford hocha la tête en signe d’acceptation résignée.

— Avez-vous d’autres photos de la dernière victime ? demanda Riley. Des gros plans ?

— Bien sûr, je reviens.

Riley se retrouva à examiner une série de photos détaillées du corps. La police locale avait fait du bon travail. On voyait que les chaînes comprimaient le corps et s’enroulaient de façon élaborée.

Enfin, une photo lui montra le visage de la victime.

Le cœur de Riley bondit dans sa poitrine. Les yeux globuleux de la femme sortaient presque de ses orbites et une chaîne bâillonnait sa bouche. Mais ce fut autre chose qui choqua Riley.

La femme ressemblait à Marie. Elle était plus âgée et plus ronde, mais tout de même, Marie lui aurait ressemblé si elle avait vécu quelques décennies de plus. L’image heurtait Riley de plein fouet. C’était comme si Marie tendait la main vers elle et lui demandait d’attraper ce tueur.

Elle sut qu’elle était obligée de prendre l’affaire.

 

Chapitre 4

 

Peterson roulait doucement, pas trop vite mais pas trop lentement non plus, satisfait d’avoir enfin repéré la gamine. Il avait fini par la trouver. Elle était là, la fille de Riley, seule, sur le chemin du lycée. Elle ne se doutait pas qu’il la suivait. Elle ne se doutait pas qu’il prévoyait de la tuer.

Elle s’arrêta brusquement de marcher et se retourna, comme se sentant observée. Indécise, elle resta un instant les bras ballants. Quelques élèves la dépassèrent et montèrent les marches qui menaient au lycée.

Peterson la dépassa à son tour au volant de sa voiture, dans l’attente d’une réaction.

La fille importait peu. Sa mère était la véritable cible de sa vengeance. Sa mère avait déjoué ses plans et elle allait devoir payer. Elle avait déjà payé, d’une certaine façon, quand Marie Sayles s’était suicidée. Mais, à présent, elle allait perdre la personne qui comptait le plus à ses yeux.

A sa grande satisfaction, la fille se remit en marche, en s’éloignant du lycée. Elle avait visiblement décidé de ne pas aller en cours aujourd’hui. Le cœur de Peterson battit plus vite dans sa poitrine – il était impatient d’agir. Mais il ne pouvait pas. Pas encore. Il allait devoir se montrer patient. Il y avait des témoins.

Peterson contourna un pâté de maison, en s’obligeant à la patience. Il réprima un sourire joyeux. Avec tout ce qu’il prévoyait de faire à sa fille, Riley souffrirait plus qu’elle ne l’aurait jamais cru possible. Quoique dégingandée et maladroite comme toutes les adolescentes, la fille ressemblait beaucoup à sa mère. Cela rendrait les choses d’autant plus satisfaisantes.

La fille marchait dans la rue à pas vifs. Il se gara sur le bas-côté et l’observa pendant quelques minutes. Il réalisa qu’elle suivait la route qui quittait le centre-ville. Si elle comptait rentrer à la maison à pied, ce serait peut-être le moment idéal pour l’attraper.

Le cœur battant à tout rompre, pressé de savourer sa victoire, Peterson contourna un autre pâté de maison.

Il fallait apprendre la patience, Peterson le savait. Il fallait apprendre à attendre le bon moment. Retarder le plaisir le rendait parfois plus intense. C’était une chose que Peterson avait apprise au cours de ses longues années de cruauté délicieuse.

Et il y a tant à attendre, pensa-t-il avec satisfaction.

En débouchant à nouveau sur la route principale, Peterson éclata de rire. La gamine essayait de faire du stop ! Dieu lui donnait un coup de pouce, aujourd’hui. A croire qu’il était destiné à la tuer.

Il se gara devant elle et lui adressa un sourire charmant.

— Je te dépose ?

La fille sourit à son tour.

— Merci. Ce serait génial.

— Où vas-tu ? demanda-t-il.

— Un peu plus loin, hors de la ville, dit-elle.

Elle lui donna l’adresse. Il répondit :

— J’y vais, justement. Monte !

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