Dans les mêmes Editions

Collection Anthropologie de l’Islam

Collection Œuvres universelles de l’Islam

« Est-ce que celui qui se fonde sur une preuve évidente [le Coran] venant de son Seigneur et récitée par un témoin [Malāk Jībrīyl] de Sa part [peut-il être l'égal du mécréant qui ne se fonde sur aucune preuve] ? Et certes, avant lui [ce Coran] il y a eu le Livre de Moūwça tenant lieu de guide et de miséricorde... Ceux-là [qui se fondent sur des preuves évidentes] y croient [à ce Coran] ; mais quiconque d'entre les factions [les Hādoūw, les Nāçāra et tous les non musulmans] n'y croit pas, aura le feu comme rendez-vous. Ne sois donc pas [Ô Moūhammad] en doute au sujet de ceci [le Coran]. Oui, c'est la vérité venant de ton Seigneur ; mais la plupart des gens n'y croient pas » (Coran, 11-17)

Avant-propos

Le Coran demeure l’unique source authentique qui garantie la réalité des faits protohistoriques et historiques de l’Humanité. Par « historique », on entend l’ensemble des évènements passés étudiés par la Science, telle que l’a conçue le père fondateur des Sciences Humaines A.R. Ibn-Khaldun1.

On ne peut se fier aux traditions écrites ou orales véhiculées tout au long des siècles car les faits concrets sont inexistants, et les critères très contestables [antihistoriques] fourmillent pour démêler l’historique du légendaire, la chronique de la mythologie.

Ainsi, les Anbīyā [Nbīyā - « Prophètes »] et les RoūçoūlMessagers »] sont dépeints dans le Coran d’une manière telle que les incertitudes quant à leur réalité, la chronologie des événements de leur mission et l’environnement où se déroulent leurs actions sont évoqués de façon concise et avérée.


1 A.R. IBN-KHALDUN [1332-1406], « Al-Muqaddima [« Les Prolégomènes ou Introduction »] »

Introduction

Le Coran narre l’histoire d’Ibrāhiym, le monothéiste, et celle de ses pérégrinations dans une société aux antipodes de sa conception du divin.

Ibrāhiym est une figure centrale dans l’unique croyance monothéiste, l’Islam. Le Coran nous relate avec vigueur la vie exemplaire d’Ibrāhiym. On le voit briser les idoles de son père, résister à la tyrannie de la population, être sauvé miraculeusement de la fournaise ardente où il fut jeté. On le voit toujours luttant et prêchant pour sa foi. Cette foi, c’est l’amour exclusif et passionné pour un Dieu unique : Allah, le Créateur des Univers.

Allah fait d’Ibrāhiym un exemple pour tous les peuples de la Terre. Cet immense amour pour Allah rend Ibrāhiym d’autant plus conscient de son « insignifiance » face à l’Absolu. Mais il insiste auprès d’Allah pour obtenir le pardon d’autrui, car lui-même veut avant tout la justice. Enfin, Ibrāhiym est l’image même de l’hospitalité, de l’altruisme et le plus bel exemple de la loyauté envers la Loi d’Allah et du respect absolu de Ses règles.

I - Ibrāhiym un Raçoūl parmi d’autres

« Certes, Nous t'avons fait [Ô Moūhammad] une révélation comme Nous en fîmes à Noūh et aux Nbīyā après lui. Et Nous avons fait révélation à Ibrāhiym, à Ismāhiyl, à Içhāq, à Yāhqoūwb, à al-Sbāt [aux Tribus], à Hiyça, à Ayoūwb, à Yoūwnoūs, à Haroūwn et à Soūlāymān, et Nous avons donné le Zāboūwr à Dāawoūd » (Coran, 4-163)

Ibrāhiym constitue un maillon d’une chaine ininterrompue de Roūçoūl et Anbīyā. Il en est un prolongement, et l’un des transmetteurs de la Révélation divine qui demeure toujours immuable. Ainsi, ale Coran nous présente une grande diversité d’hommes, à l’instar d’Ibrāhiym, qui se réfèrent toujours à la Révélation bien définie : le pur monothéisme !

« Et mentionne Ibrāhiym dans le Livre [le Coran]. C'était un très véridique et un Nābīy » (Coran, 19-41)

Ibrāhiym s’inscrit dans une dimension essentielle : l’approfondissement d’une conscience dont la résultante dans son comportement [actes, paroles] n’a aucune chance de rester fragmentaire ou surtout sélective. En effet, la vérité reste pour Ibrāhiym la mesure de la foi en Allah, pour ne parler que de cette seule notion. Celle-ci s’impose avec davantage d’intransigeance qu’elle reste le principe ultime de la réussite de l’acte volontaire et désintéressé dévoué au divin.

A - Ibrāhiym à la quête de Dieu

« Quand la nuit l'enveloppa, il observa une étoile et dit : « Voilà mon Seigneur ! » Puis, lorsqu'elle disparut, il dit : « Je n'aime pas les choses qui disparaissent » (Coran, 6-76)

« Lorsque ensuite il observa la lune se levant, il dit : « Voilà mon Seigneur ! » Puis, lorsqu'elle disparut, il dit : « Si mon Seigneur ne me guide pas, je serais certes du nombre des gens égarés » » (Coran, 6-77)

« Lorsque ensuite il observa le soleil se levant, il dit : « Voilà mon Seigneur ! Celui-ci est plus grand ». Puis, lorsque le soleil disparut, il dit : « Ô mon peuple, je désavoue tout ce que vous associez à Allah » (Coran, 6-78)

Observation

- La religion cyclique

Les Assyro-Babyloniens rencontrent leurs dieux à la limite de leurs possibilités d’action sur les éléments naturels : divinités astrales : Anu et Antu [divinités du ciel], Shamash et Sîn [dieu solaire et lunaire], Ishtar [déesse vénusienne] ; dieux de l’atmosphère : Enlil et Adad ; dieux de la terre et des eaux : Enki-Ea, Tammuz. Ils leurs octroient la toute-puissance sur ces éléments et comme telles, ces divinités sont tour à tour bienveillantes et malveillantes. Ils les rencontrent aussi en opposition à l’inéluctabilité de la mort, ils en ont fait des immortels.

Les images de ces dieux assyro-babyloniens sont-elles représentées souvent sous l’apparence humaine [ils sont humains mariés et organisés en familles]. Ils sont alors diversifiés par les symboles des choses qu’ils dominent : le Soleil, la Lune, l’étoile Sirius [étoile du Berger, Vénus], la foudre.

Ils vénèrent également le règne animal : Ishtar avec le scorpion, Tammuz avec le serpent, Enlil avec le renard, Marduk avec le chien, etc. Leur qualité divine est marquée par une ou plusieurs paires de cornes de taureau, en relief sur leur tiare, en nombre plus ou moins important selon leur rang dans le panthéon. Ils vouent aussi un culte au règne végétal [le tamaris est Anu, le cyprès Adad, le palmier Tammuz, etc.], ainsi qu’au règne minéral [l’argent, l’or, le cuivre, etc.].

Lorsqu’Assur et Babylone devinrent capitales, leurs dieux propres, Assur pour l’Assyrie et Marduk pour la Babylonie, accédèrent au sommet du panthéon. Par opposition aux dieux du Désordre dont sont issus le ciel, l’atmosphère et les eaux, ils sont considérés comme les dieux de l’Ordre, dompteurs des éléments dont ils fixent et régissent les destins, avec l’assentiment des dieux qui les dominent.

La religion babylonienne a fait d’Ishtar et de Bel-Marduk des divinités qui meurent et ressuscitent avant de triompher.

La réalité mystérieuse qu’Ibrāhiym cherche à tâtons depuis son plus jeune âge n’est autre que Dieu. L’origine de cette quête renvoie à l’Homme lui-même et à l’énigme de sa genèse.

La dialectique de l’idée de Dieu telle qu’elle se déploie dans la plupart des religions à l’époque d’Ibrāhiym est profondément différente de la dialectique de l’idée que celui-ci se fait de la déité. Quoi qu’il en soit, Ibrāhiym, pour apaiser son besoin religieux, réclame un Dieu qui soit un « Autre » avec lequel il puisse entrer en communication et en échange [rituel].

La raison profonde d’Ibrāhiym et son intelligence, au contraire, répugnent à concevoir Dieu comme un astre [étoile, lune, soleil], parce que Dieu doit être absolu, donc sans besoin et sans contraire. D’où l’étonnement et le scepticisme d’Ibrāhiym lorsque les corps célestes apparaissent et disparaissent [étoile, lune et soleil].

Or, ces aspects de l’idée de divinité tendent à se réduire alors qu’au contraire, Dieu est Tout-Puissant et Créateur de toute chose y compris ces astres et le soleil aussi grand soit-il.

Le Dieu qu’Ibrāhiym recherche est l’Être Absolu, Transcendant et Immanent que rien ne peut lui être comparé. Voilà la pensée profonde d’Ibrāhiym !

« Je tourne mon visage exclusivement vers Celui qui a créé [à partir du néant] les cieux et la terre; et je ne suis point de ceux qui Lui donnent des associés » » (Coran, 6-79)

Finalement, le Dieu Créateur des cieux et de la terre est un Dieu agissant qui intervient sur toute chose. Riche de ces données sur les causes et les conditions de l’idée de Dieu, le surgissement de cette notion semble lié à l’expérience humaine la plus originaire. Ce verset retrace le développement de l’idée de Dieu qui s’élabore dans l’esprit d’Ibrāhiym depuis ses origines, en particulier en ce qui concerne les rapports et le passage du polythéisme2 au monothéisme. Ibrāhiym rejette donc les croyances qui caractérisent un schème irrationnel [animisme, totémisme, polythéisme, etc.], celui qui est en vigueur chez ces concitoyens et dans le reste du monde.

Ibrāhiym montre dans une perspective déiste et monothéiste, comment à l’origine, l’homme naturellement croit au monothéisme en un Être suprême [Dieu créateur] et que par la suite, il devient païen ou idolâtre sous la pression de certains facteurs d’ordre culturel, social et économique.

B - Ibrāhiym combat l’idolâtrie

1 - Les idoles, un égarement

« [Rappelle quand] Ibrāhiym dit à Āzār, son père : « Prends-tu des idoles comme divinités ? Je te vois, toi et ton peuple, dans un égarement évident ! » (Coran, 6-74)

Les relations qu’entretient Ibrāhiym avec son père Āzār sont des plus tendues en ce qui concerne la vie religieuse et la conception de la divinité.

Ibrāhiym se voit, désormais, dans l’obligation de manifester à l’égard des croyances de son père et de son peuple, sa vive désapprobation et à condamner fermement toute figure ou représentation de divinité qui fait l'objet d'un culte d'adoration. Face à l’idolâtrie3, l’hostilité entre les deux hommes est engagée. C’est le début d’un conflit chronique qui oppose, d’une part Ibrāhiym à son père, et d’autre part à toute la population, car Ibrāhiym est particulièrement convaincu de leur incontestable égarement.

Ibrāhiym, à lui seul prend la tête d’un soulèvement contre l’idolâtrie et ceux qui l’institutionnalisent et la pérennisent. Ibrāhiym est prompt à évoquer le fait que tout le monde s'écarte de la moralité saine axée sur une ligne de conduite réfléchie, celle de la raison qui ne peut tolérer l’adoration des idoles.

« Et [Ibrāhiym] dit [aux idolâtres] : « En effet, c'est pour cimenter des liens entre vous-mêmes dans la vie présente, que vous avez adopté des idoles, en dehors d'Allah. Ensuite, al-Yāwm al-Qiyāma [« le Jour du Jugement/Résurrection »], les uns rejetteront les autres, et les uns maudiront les autres, tandis que vous aurez le Nār [Feu] pour refuge, et vous n'aurez pas de protecteurs » (Coran, 29-25)

Les adorateurs des idoles entendent gérer leur existence au moyen de leur religion, l’idolâtrie, et perdurer leur tradition. La société où vie Ibrāhiym est stratifiée, suivant la fortune et la fonction, depuis la famille du prince jusqu’aux simples paysans en passant par les hauts fonctionnaires, les prêtres, les propriétaires fonciers, artisans et commerçants. Le ciment qui unit ces catégories sociales est l’idolâtrie qui trouve des applications dans les domaines aussi bien sociaux, que culturels, et surtout économiques.